Innovation et propriété intellectuelle : un levier d’autonomisation économique des femmes en Afrique

C’est une étape décisive dans la lutte contre les inégalités de genre et la valorisation du potentiel féminin en Afrique. Le siège de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI) a accueilli hier, Mardi 05 Août 2025, la cérémonie de lancement officiel du Projet d’Autonomisation Économique des Femmes par l’Innovation et l’Accès à la Propriété Intellectuelle, initié conjointement par l’OAPI et le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA).

Ce projet pilote, mis en œuvre au Cameroun et au Burkina Faso, vise à optimiser le pouvoir transformateur de l’innovation et de la propriété intellectuelle pour renforcer l’autonomie économique des femmes, en particulier celles actives dans les filières agroalimentaires et scientifiques.


Un paradoxe africain à corriger

Malgré leur rôle central dans les chaînes agricoles (62 % de la main-d’œuvre au Cameroun, 75 % au Burkina Faso), les femmes restent exclues des systèmes d’innovation. Moins de 15 % des brevets enregistrés à l’OAPI leur sont attribués. Cette marginalisation freine leur accès au financement, à la reconnaissance et aux marchés structurés.

Pr. Marie Thérèse Abena Ondoa (crédit UNFPA)

Le Pr. Marie Thérèse Abena Ondoa, ministre camerounaise de la Promotion de la Femme et de la Famille, a salué «une initiative révolutionnaire» qui met en avant «une approche visionnaire favorisant le dialogue interprofessionnel». Selon elle, la propriété intellectuelle permet d’attribuer une juste reconnaissance à celles qui transforment, innovent et créent de la valeur.


Une alliance stratégique pour un impact durable

Issu d’un Mémorandum d’Entente signé en février 2024, ce partenariat mobilise un budget d’environ 2,5 millions de dollars US (1,5 milliard FCFA) pour 18 mois. Les actions se déploieront à Yaoundé, Ngaoundéré et Ouagadougou, des villes choisies pour leur dynamisme en matière de formation scientifique et d’entrepreneuriat féminin.

Denis BOHOUSSOU, (crédit UNFPA)

Prenant la parole lors de la cérémonie d’ouverture, le Directeur général de l’OAPI, M. Denis BOHOUSSOU, a souligné l’importance stratégique du projet pour corriger les déséquilibres structurels auxquels sont confrontées les femmes dans l’écosystème de l’innovation. «Les femmes jouent un rôle central dans la production des denrées agricoles destinées à la consommation locale, pourtant elles restent marginalisées dans les systèmes d’innovation et de propriété intellectuelle», a-t-il déclaré. Selon lui, cette exclusion constitue un frein majeur à leur accès au financement, aux marchés et à la reconnaissance de leurs inventions. Il a ainsi réaffirmé l’engagement de l’OAPI à promouvoir une plus grande participation des femmes dans les dispositifs de valorisation de l’innovation, en renforçant leurs compétences, en soutenant la transformation et la commercialisation des produits de qualité, et en encourageant l’émergence de solutions innovantes portées par les femmes elles-mêmes.

Le Dr. Justin Koffi, représentant résident de l’UNFPA Cameroun, a rappelé que «les femmes produisent 80 % des denrées alimentaires et contribuent à 20 % du PIB», mais restent sous-représentées dans les systèmes de propriété intellectuelle. Ce projet vient «combler ce fossé structurel».


Des objectifs concrets et inclusifs

Parmi les principaux objectifs :

  • Réduire les inégalités de genre et accroître l’autonomisation économique des femmes ; ;
  • Accroître la contribution des femmes à l’innovation ;
  • Fournir aux femmes des outils de propriété intellectuelle pour produire et commercialiser des produits de qualité ;
  • Mettre en valeur le dynamisme de la femme africaine dans l’agrobusiness et rendre leurs entreprises plus compétitives.

Les bénéficiaires sont précisément identifiés : associations d’élèves ingénieures, groupements de femmes productrices, structures de formation, jeunes diplômées en STIM, et opératrices du secteur agropastoral.


Quand innovation rime avec espoir !

Marie Mbala Biloa, Présidente de l’ASBY (Association des bayam sellam du Cameroun et de la diaspora), voit dans ce projet une opportunité majeure :

«On fait tout à l’informel. Grâce à ce projet, on pourra labelliser nos produits à l’OAPI et les vendre à l’international.»

Ngo Bassom Anne Rosalie, présidente de l’association des filles ingénieures de l’École Polytechnique de Yaoundé (AFENSPY), évoque avec fierté :

«On peut enfin mettre en pratique ce qu’on apprend à l’école. Nos solutions : des drones, des machines autonomes, des plateformes web.»


Une plateforme d’échange, des solutions à co-construire

L’un des temps forts de l’événement fut la session de réseautage. Les femmes entrepreneures ont partagé les obstacles concrets : emballages, financement, transport, accès aux machines. Les ingénieures, de leur côté, ont exprimé leur volonté d’accompagner à condition d’avoir les moyens techniques.

Cette synergie sera structurée autour de groupes projets mixtes, d’ateliers collaboratifs, et d’un dialogue interprofessionnel permanent, une stratégie saluée par l’ensemble des participantes.


Une vision panafricaine et un enjeu mondial

Ce projet pilote, s’il réussit, pourrait servir de modèle à d’autres pays africains. En mettant l’innovation au service de l’égalité, il ambitionne de transformer les défis structurels en leviers de croissance inclusive et durable.

À l’heure où la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) ouvre de nouveaux marchés, le projet pourrait catalyser une nouvelle génération d’entrepreneures africaines, armées d’innovations, de compétences et de droits.

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