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Quand nous on grandissait, il était très rare ou presque impossible de voir des parents tenir des discussions sérieuses et ouvertes autour de la sexualité avec leurs enfants. Dans mon quartier à Bamenda au Cameroun,les échanges entre les parents et les enfants se limitaient au niveau de comment être un enfant serviable. Cet enfant qui sait faire ses travaux ménagers sans que les parents ne crient sur lui. Cet enfant capable d’aider les ainés à porter leurs sacs. Cet enfant bon en tout cas!!! On ne mettait jamais un accent sur la sexualité car c’était un sujet tabou. Même l’encadrement des jeunes filles en âge de puberté avec les menstrues, n’étaient pas choses facile.
Plusieurs de mes amies filles ne s’en sortaient pas réellement. C’est au fil des années et avec l’expérience acquise en échangeant avec les autres filles à l’école ou certains enseignants/encadreurs qui brisaient le silence, qu’elles réussissaient à maitriser ce phénomène qui est aussi naturel qu’aller aux toilettes. Mais parfois, il était déjà trop tard.

En ce lundi 16 juin 2025, jour de célébration de l’Enfant Africain, il est important de relever que les tabous autour de l’éducation sexuelle des enfants africains existent toujours car les conséquences négatives de cette perception des choses sont encore visibles. La reproduction sexuelle et l’éducation à la sexualité en Afrique reste l’un des sujets les plus difficiles à aborder à cause de ces tabous, des croyances culturelles et même religieuses. Que ce soit donc à la maison avec les parents, au quartier avec les voisins, à l’église ou à la mosquée avec les religieux, à l’école avec les enseignants et encadreurs, plusieurs défis sont rencontrés au quotidien.
La culture et la religion
Au Cameroun comme dans plusieurs sociétés africaines, le sexe et tout ce qui tourne autour, sont des sujets très intimes et privés, dont on ne parle pas ouvertement. Surtout entre les parents et les enfants. Car entre adultes, il n’y a pas de limites ; on se dit tout. Ceci est dû au fait que plusieurs coutumes et religions présentent l’éducation sexuelle comme une action diabolique, donc contraire aux valeurs morales. Elles prônent plutôt l’abstinence avant le mariage, notamment pour les jeunes filles.
Comme mon père lorsque je grandissais, certains parents craignent parfois de perdre leur autorité ou le respect de leurs enfants en abordant des sujets liés à la sexualité. Trop de familiarité qui peut engendrer le mépris. Mais, je me suis rendu compte à travers les différents témoignages collectés dans le cadre de ce travail et mon expérience personnelle, que les mamans sont plus ouvertes envers leurs enfants lorsqu’il s’agit de ce genre de chose.

Dans ma famille comme dans d’autres, les mères sont plus proches des enfants. C’est le cas de Mme Christelle NINLA, enseignante et maman, qui ne parle de tout avec ses enfants. Surtout qu’elle n’a que des filles et elles sont les plus vulnérables en matière de sexualité. Il n’y a jamais eu de tabous entre notre maman et nous. C’est notre père qui n’était pas ouvert. Parfois même, il disait à notre mère qu’on évoque pas ce genre de sujet avec les enfants. Pour lui, tant qu’il te nourrit encore, tu restes un enfant qui ne devrait pas connaitre certaines choses.
Le manque de connaissances des parents et encadreurs
« You cannot talk what you don’t know » dixit Rigobert SONG, ancien entraineur des Lions indomptables du Cameroun dans l’une de ses sorties. On ne peut pas parler de sexualité avec ses enfants si en réalité, on ne la maitrise pas. De nombreux parents eux-mêmes n’ont pas reçu une éducation sexuelle adéquate et se sentent mal équipés pour en parler avec leurs enfants. C’est un sujet délicat et il faut le connaitre afin de mieux le transmettre aux enfants, qui ont un autre langage.
Dans certains cas, les parents délèguent l’éducation sexuelle de leurs enfants à l’école en se disant que ce n’est pas leur devoir. Parfois, c’est juste le manque de dialogue général dans certaines familles qui peut aussi se répercuter sur la difficulté à aborder des sujets sensibles comme la sexualité. Ce qui entrainent des conséquences désastreuses dans la vie des enfants, qui vivent déjà dans des environnements difficiles sur le plan économique.
Les grossesses précoces/non désirées et les IST/MST
Dans leur ignorance des informations sur la reproduction sexuelle, plusieurs jeunes de ma génération se sont retrouvés dans des situations pas toujours réversibles. Pleines de mes amies d’enfance se sont retrouvées avec des grossesses précoces et non désirées qui parfois, leur faisaient perdre plusieurs années d’école ou même la vie lors des tentatives d’avortement. Elles ont aussi découvert le sexe « comme ça » et l’enfant est entré. Puisqu’il n’y avait personne pour les orienter de manière concrète.
Comme chez certaines de mes amies d’enfance « victimes », le manque d’informations crédibles sur l’activité sexuelle (contraception et autres) expose la jeune fille à des grossesses non désirées, entraînant leur déscolarisation, et leur stigmatisation. Ce qui aggrave les problèmes financiers de leurs familles car il faut trouver des moyens supplémentaires pour s’en occuper.

D’autre se retrouvent avec des Infections Sexuellement Transmissibles (IST) et Maladies Sexuellement Transmissibles (MST) telles que le VIH/SIDA, les Hépatites, le Chlamydia, la Gonococcie encore appelée « Chaude Pisse » et bien d’autres.
Les mariages forcés/précoces et les violences/exploitation sexuelles
L’absence d’éducation sexuelle rend les jeunes plus vulnérables aux abus sexuels et à l’exploitation. Dans leur ignorance, plusieurs jeunes filles, pensent que c’est normal d’aller en mariage à 13 ans et de se laisser toucher sexuellement par quelqu’un qui est 5 fois plus âgé qu’elles. Plusieurs voient leurs rêves briser à cause de l’inconscience de leurs parents qui les échangent contre quelques billets, biens ou produits de première nécessité. C’est normal, elles ne connaissent pas leurs droits ou les moyens de se défendre.
Quelles solutions alors ?
Pour relever ces défis, il est important que l’éducation sexuelle soit d’abord une priorité dans les politiques de gestions (Éducation et santé) des pays africains. C’est à travers ceci, que des budgets suffisants pourraient être alloués pour la cause. Les parents, qui sont les premiers éducateurs de leurs enfants, doivent être sensibilisés sur le rôle qu’ils doivent jouer dans la vie sexuelle et reproductive de ceux-ci.

Les enfants et les jeunes quant à eux, doivent être impliqués dans les processus de planification des services de santé dans la conception et la mise en œuvre des programmes d’éducation sexuelle (pairs-éducateurs).
Un accent devrait aussi être mis sur l’accès et la confidentialité des services de santé sexuelle et reproductive pour les jeunes. On retrouve de plus en plus les informations des patients sur les réseaux sociaux et cela décourage plusieurs autres à aller vers les formations sanitaires. Ces plateformes numériques doivent plutôt être un atout pour informer et éduquer les jeunes de manière sûre et interactive (envoyer des messages et recevoir leurs feedbacks pour une meilleure adaptation des prochains messages).
Enfin, il serait judicieux d’impliquer les leaders communautaires dans les campagnes de sensibilisation sur la reproduction sexuelle des jeunes car ils peuvent aider à lever les barrières culturelles et religieuses.