Ils m’ont maudit au Lycée

Dans la vie, on finit toujours par récolter les fruits de nos actes. Qu’ils soient bons ou mauvais, on sera payé en bien ou en mal.

Je ne vais jamais oublier mes premières années au L.B.B. (G.B.H.S B’da) car j’étais jeune et plusieurs choses de jeunes me sont arrivées. Je vais vous parler de la “malédiction” lancée sur moi à cause d’une histoire d’eau à boire.

Portail de l’entrée principale du L.B.B (G.B.H.S)

Une prise de conscience prématurée ou rapide?

Très jeune, j’avais vite pris conscience que, “celui qui veut aller loin, ménage bien sa monture“. C’est ainsi que, malgré cette jeunesse qui habitait en moi, j’étais déjà responsable. Responsable de mes propres actes. Ce que je ne voyais pas vraiment chez mes camarades, de la même tranche d’âge.

Le L.B.B (Lycée Bilingue de Bamenda) ou encore GBHS (Government Bilingual High School Bamenda) faisait partie des meilleurs Lycées du Cameroun mais malheureusement, il y avait un grave problème d’eau là-bas. Il était situé sur la colline de Ntamulung et l’eau ne grimpait pas facilement à cause de la faible pression je pense. Il me faut même chercher à savoir si ce problème a été résolu.  Même si ça fait environ 13 ans que je suis parti de là.

Vue venant du quartier Ntamulung, où est situé le Lycée Bilingue de Bamenda (L.B.B)
(Source: Mapio)

Une solution à problèmes

Pour bien gérer cette situation, il fallait partir de chez soi avec une bouteille pleine d’eau, ou tout simplement d’une bouteille vide afin de la remplir dans l’un des points d’eau de la ville. À cette époque, des robinets publics existaient encore, où les populations pouvaient se ravitailler gratuitement et à gogo en eau. Pas les choses de maintenant qu’il faut acheter l’eau (qui n’est même pas buvable à cause de la couleur et des odeurs de rouille) à la Cameroon Water Utilities (Camwater).

Comme j’aime bien gérer les choses, je faisais partie de ses élèves qui partaient de chez eux chaque matin avec une bouteille pleine d’eau. J’avais la chance d’avoir une “maman Androïde“, qui m’avait acheté un sac à la forme d’une bouteille de 1,5L. C’est dedans que je transportais mon eau. Ainsi, elle pouvait rester fraîche pendant toute la journée.

La “malédiction” de mes camarades

Étant petit et ne pouvant pas finir un litre et demi d’eau entre 7h30 et 14h30, je me retrouvais entrain de partager ma bouteille avec certains camarades, qui avaient pris l’habitude de se ravitailler chez moi. Mais, cette gentillesse, était plutôt devenue la source d’un problème qui n’aurait pas exister si chacun sortait de chez lui avec son eau. Tout ceci parce que, pour ne pas être en manque, je me rassurais de toujours laisser une petite quantité pour moi-même, même si c’était comment. C’est ainsi qu’on me traitait de chiche. Et là, j’ai vite compris que “tu peux faire 100 biens à quelqu’un mais il ne retiendra qu’un mal venu de toi“.

À quoi ressemblait ma bouteille d’eau au Lycée

‘‘Tu leur donnes la main, ils veulent prendre tout le bras.’’

Quelqu’un à qui tu as l’habitude de donner à boire, te traite de chiche tout simplement parce qu’il est venu demander un jour et tu lui as dit que ce qui restait, était pour toi-même. Ils ont commencé à me rappeler des proverbes et citations qui disaient qu’on ne refuse jamais l’eau à boire à quelqu’un, de peur d’être maudit. Tout ceci pour créer en moi la peur afin que je puisse céder à leur demande. Comme ça ne marchait pas, ils me “maudissaient”. Ils disaient qu’un jour, j’aurai aussi soif et il n’y aura personne pour me donner à boire. Quelle ingratitude!!!

Étant un petit sage qui avait un regard panoramique sur la vie, je riais seulement dans mon cœur car je savais que tout ce qu’ils racontaient n’allait pas se produire car ils n’avaient aucun pouvoir de le faire. Au contraire, je leur retournais tout cela car ils n’ont pas été reconnaissant envers moi pour toutes les fois où ils ont bu de ma bouteille.

Comment peux-tu refuser de partir de chez toi avec une bouteille d’eau qui t’aidera toute la journée, juste parce que tu la trouves encombrante. À ton jeune âge, tu trouves déjà que tu es grand pour marcher en route avec une bouteille d’eau. Mais tu maudis quand même celui qui a l’habitude de mettre la honte de côté et de venir avec cette même bouteille pour partager avec toi. Mais comme il te la refuse une fois, tu le traites de tous les noms d’oiseau. Tu prends même le courage où pour maudire quelqu’un qui ne te doit rien ? C’est comme ça que vous portez la malchance ici dehors gratuitement. Weeeeeh!!!

Une vue aérienne de certains quartiers de la ville de Bamenda, Région du Nord-Ouest, Cameroun

Une leçon de vie

Pour leur montrer que j’étais dans mon droit de faire ce que je voulais avec mon eau et que je n’avais pas peur de ce qu’ils disaient de moi, j’avais décidé de ne même plus partager. Si je sortais avec l’eau et que je n’utilisais pas le tout, je versais carrément le reste au sol en fin de journée et ceci devant tout le monde. Je le faisais pour les amener à comprendre que “chacun devrait être capable de souffrir pour avoir ce qu’il veut”. Je ne peux pas souffrir et porter mon eau à boire pour venir la partager avec des personnes qui pensent qu’elles ne devraient pas endurer ce genre de chose. Et pire encore, des personnes qui n’ont aucun sens de gratitude. Mais, je pense que le message est bien passé car plusieurs ont, même si c’était pour me narguer ou défier, commencé à partir de chez eux avec des bouteilles d’eau.

L’habitude qui est finalement devenue une seconde nature

Aujourd’hui, ce comportement est resté ancré en moi et c’est devenu ma seconde nature, de toujours sortir de chez moi avec mon eau à boire. Qu’elle soit minérale ou juste du forage, je ne sors jamais sans elle car je n’aimerais pas me retrouver dans des situations où j’aurai l’impression que les gens autour de moi sont chiches, tout simplement parce qu’ils ne partagent pas leur eau avec moi.

L’un de mes sacs pour transporter eau et nourriture

Ceci me permet non seulement d’être indépendant, mais aussi de gagner en argent (c’est plus économique de venir avec son eau du quartier que d’acheter 1,5L à 500 frs CFA), en temps (le temps d’aller chercher une bouteille en route) et en énergie (je n’ai pas besoin de marcher sous le soleil pour aller acheter une bouteille d’eau à boire).

Je vais même loin, en transportant aussi ma nourriture, de la maison pour le boulot. Donc si tu me croises dans la rue avec mes vestes et un petit sac ou plastique en main, ne te pose pas trop de questions. Sache juste que c’est mon eau à boire et ma nourriture qui sont dedans.

Cette histoire qui est vraie, vous a été racontée dans le cadre de la campagne d’articles de blog organisée par l’Association des Blogueurs du Cameroun (ABC) pour la 59ème édition de la fête de la jeunesse au Cameroun

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